Belcodène. Le Castellas.

Le nom de "Castellas" désigne aujourd'hui une petite colline situé à l'ouest du village actuel. C'est sur celle-ci que fut édifié, entre 1044 et 1093, le premier "castrum" de Belcodène, c'est à dire un village comportant des moyens de défense. C'est donc en principe là que se trouve le véritable berceau de la commune.

De ce castrum ou château, nous ne savons que peu de choses.

Description des frères Bosq (1838).

Les frères Bosq nous en donnent une première description en 1838 :

Après avoir traversé la ligne formée par les deux termes qui n'y sont plus; on trouve à droite hors la limite aquens le lieu de castellas; qui fait voir les ruines d'un reste fe fortification qui démontre une défense qui nous donne à croire qu'aux approches du castellas, ont existé des peuples agglomérés, que sans doute les ruines de leurs maisons ont disparus de la surface de la terre, car au castellas il ne reste bebout que la masure d'une espèce de tour qui présente une forme quadrangulaire, et une quantité de pierre ouvrées qui couvrent en ce lieu une partie du terrain, dot ces débris attestent une immense batisse, et ensuite des pierres ouvrées se trouvent aussi sur d'autres points, qui certifient ce que nous avons l'avantage d'avancé dans ces renseignements de croire que la contrée de Belcodène était très peuplée anciennement.

Cette description, a pour seul intérêt est d'être la première.

Description de l'abbé Bargès (1883).

Fort heureusement, celle de l'abbé Bargès, faite environ 25 ans plus tard, sera un peu plus "académique". Ce dernier avait, de plus, eu la bonne idée de prendre un croquis de ce qui restait du chateau, c'est aujourd'hui la seule illustration en notre possession.

... Il était flanqué d'une grande tour carrée, dont les restes imposants sont encore, du moins en partie, debout sur le flanc méridional de la colline.
Cette tour, de forme carrée, est revêtue extérieurement d'un appareil de petits blocs rectangulaires. Elle mesure quatre mètres dans oeuvre sur tous ses côtés. Les murailles ont 1m25 d'épaisseur ; leur élévation, dans les parties les mieux conservées, celles qui regardent notamment le sud et le sud-est, est de quatre mètres seulement, mais, à en juger par les amas de décombres qui couvrent le sol, soit dans l'intérieur de la tour, soit à l'extérieur, la hauteur primitive devait être plus considérable, pour le moins d'un tiers. La face septentrionale est celle qui a le plus souffert des ravages du temps, car elle se trouve réduite presque au niveau du sol, qui, de ce côté, s'lève en pente rapide, et cache, d'ailleurs, la muraille en grande partie...

Dans les documents anciens.

Fort heureusement, j'ai pu, il y a peu de temps, voir deux documents anciens qui donnent quelques éclaircissements sur ce qu'avait été ce lieu au moyen-âge.

Le premier, qui date de 1374, est un "Hommage à Darde de Roquefeuil" qui était à cette époque dame de Belcodène.

Item dixerunt quod in dicto castro est fortalitium quod est dictorum jugalium, et juxta illud est quoddam reductum in quo se reducunt tempore guerrarum, et locus de se est in burgis sine clausura, et habent puteum ibi prope fortalicium.

De même ils ont dit que dans ledit bourg il se trouve une forteresse, qui est auxdits vassaux et auprès d’elle il se trouve un réduit dans lequel ils se réfugient en temps de guerre, et l’endroit est lui-même au milieu des habitations, sans clôture, et ils y disposent d’un puits près de la forteresse.

Voir le texte intégral de ce document.

Le deuxième, qui date de 1480, est un "Dénombrement donné par le seigneur de Ceyreste pour la terre de Belcodène". Le seigneur de l'époque étant Gaucher de Sabran-Forcalquier.

Sequuntur jura et bona castri inhabitantis de Bolcodenis, diocesis Aquensis.
Et primo, est dominus ipsius castri et eius territorii, solus et insolidum, et habet merum et mixtum imperium et omnimodam jurisdictionem et unam turrim cum casalibus circumcirca, et in tribus pessiis habet tres terras sive ferragines capasitatis quadragintarum saumata seminis vel circa. Et unum pratum et census et servicia pastorgagia,lesdas, pulve- ragia et alias obventiones.

"Suivent les droits et les biens de l’habitant du château de Belcodène, au diocèse d’Aix.
Et premièrement, il est seigneur de ce château et de son territoire, seul et solidairement, et il détient le pouvoir en droit et en fait, et la juridiction complète, ainsi qu'une tour avec les habitations tout autour, et il a, en trois parcelles, trois terres ou prairies d’une capacité de 40 charges de semence ou environ, ainsi qu’un pré, les cens et les droits de pacage, les servitudes, les salaires de ceux qui travaillent la terre, et les autres revenus."

Voir le texte intégral de ce document.

Ce que l'on peut déduire de ces deux textes, malheureusement très succints, mais d'époque, c'est que le village de Belcodène, aux 14ème et 15ème siècles, consistait en une tour de défense, entourée de maisons, possédant un puits et un endroit retiré où l'on pouvait se réfugier en cas de danger.

Aujourd'hui, les ruines.

Il ne reste malheureusement de cette tour plus une seule pierre debout. En effet, à la fin du XIXeme siècle, le propriétaire du terrain, Monsieur Romain Boyer, la détruisit et utilisa les matériaux pour construire, sur son emplacement, un "poste à feu" encore visible aujourd'hui !

Tout autour de cette emplacement qui devait être celui de l'ancien château, on trouve, trois enceintes concentriques, formées de murs de pierre, et qui se succèdent à intervale jusqu'au bas de la colline.

Entre ces rangs de murailles, devaient se trouver allignées, au moyen âge, les maisons dont il est question dans les deux documents ci-dessus, mais dont aucune trace ou vestige n'a subsisté.

Une autre curiosité qui se trouve sur les flancs de cette colline, est une grande pierre de forme à peu près carrée, plantée dans la terre au milieu des broussailles. Cette pierre est creusée, en son centre, d'une cavité en forme de losange, arrondie par le temps, et d'une rigole qui la traverse dans toute sa largeur en passant par le centre du trou cité précédement.

L'utilité de cette pierre est sujet à polémique.
Le trou central, et les deux rigoles qui s'en échappent, comme pour laisser s'écouler un liquide, ont poussé l'abbé Bargès à y voir un autel païen dont le centre devait recevoir le sang des victimes.
Plus pacifiquement, H. de Gérin Ricard, pense que des pivots devaient y être scellés pour la fixation d'une lourde porte sensée fermer la première enceinte.
La réalité st toute autre, puisque l'on sait aujourd'hui qu'il s'agit d'un élément de pressoir (demi-pedicinus), sans doute utilisé pour la production d'huile d'olives.

Carte Archéologique de la Gaule - 13/4 - page 512

Une deuxième pierre taillée complétant le dispositif est signalée par l'abbé Bargès, mais je n'ai pas pu, à ce jour, la retrouver...

Le château fut sans doute détruit vers le milieu du XVIème siècle puisqu'en 1550 il est décrit comme "chateau disrupt", c'est à dire démoli. L'abbé Bargès pense que cette destruction est le fait des troupes de Charles-Quint qui firent bien des ravages dans les parages en l'an 1535.



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