L'affaire Ranucci.

Les faits

Le lundi 3 juin 1974, lundi de Pentecôte, un banal accident de la route a lieu sur le territoire de Belcodène. Ce sera le point de départ d'une triste affaire qui a fait, et qui fait aujourd'hui encore, couler beaucoup d'encre.
Mais revenons quelques instant en arrière :

Marie-Dolorès Rambla, joue avec son frère Jean (6 ans), dans la cour de la cité Sainte-Agnès, dans le quartier des Chartreux à Marseille. Ils sont accostés par un homme en voiture qui leur demande de les aider à retrouver son chien noir qu'il vient de perdre. L'homme demande à Jean de faire le tour de l'immeuble et invite Marie-Dolorès à monter avec lui en voiture pour faire le tour du quartier. A son retour, Jean ne retrouve pas sa sœur. Pierre Rambla, le père des deux enfants, se met à la recherche de sa fille, sans succès et prévient la police.
Vers midi et demi, un automobiliste, Vincent Martinez roule sur la nationale 96 et aborde le carrefour de la Pomme. A ce carrefour, un panneau " stop " impose l'arrêt aux conducteurs en provenance de Marseille par la Nationale 8bis. Un coupé 304 Peugeot gris métallisé arrive de cette direction, et ne respecte pas le " stop ". La voiture de M. Martinez percute de plein fouet le coupé Peugeot à l'arrière, lui faisant effectuer un tête à queue. Le chauffeur accélère et prend la fuite en direction de Marseille. M. Martinez ne pouvant redémarrer son véhicule, demande à un couple d'automobilistes toulonnais, M. et Mme Aubert, témoins de la scène de prendre en chasse le chauffard afin de lui confirmer le numéro d'immatriculation. Mr Aubert se lance à la poursuite de la Peugeot. Il déclarera qu'au bout de quelques kilomètres, il vit la voiture stopper, le conducteur descendre, prendre une fillette par la main et s'engager dans la colline. Son épouse s'y opposant, il ne poursuivit pas l'homme et se contenta de relever le numéro d'immatriculation du véhicule qu'ils communiquent, à leur retour, à M. Martinez. Celui-ci, qui a réussi à repartir, se rend à la gendarmerie de Gréasque pour porter plainte. Il déclare que le chauffeur lui paraissait seul à bord.


La carte de l'accident publiée par
Le Provencal du 6 juin 1974.

A cinq heures de l'après midi, M. Rahou est devant sa maison qui se situe à deux kilomètres du croisement de la Pomme. La colline à laquelle sa maison est adossée est creusée de nombreuses galeries où il pratique la culture du champignon. Un jeune homme se présente à lui, expliquant que sa voiture est embourbée dans une de ses galeries, et lui demande de l'aide pour la sortir. Surpris, M. Rahou se rend sur les lieux, et découvre un coupé Peugeot 304 gris métallisé. Le véhicule est bel et bien coincé. Le jeune homme a bien tenté de placer des branchages sous les roues, sans résultat. Interrogé sur la manière dont il a coincé son véhicule, le jeune homme fournit des explications peu convaincantes, mais devant son calme, M. Rahou se décide à lui porter secours. La voiture est extraite par le contremaître de la champignonnière, M. Guazzone, grâce à son tracteur. Celui-ci relève le numéro minéralogique du coupé Peugeot et prend congé. Le jeune homme prend le thé avec M. et Mme Rahou puis part à son tour.
Au matin du 4 juin, la presse annonce l'enlèvement de Marie-Dolorès. Apprenant la nouvelle, M. Guazzone contacte la gendarmerie pour raconter la scène dont il a été témoin. On lui répond sèchement que le véhicule recherché est une Simca et non une Peugeot.
Le mercredi 5 juin Monsieur Aubert, apprenant par la radio la nouvelle de l'enlèvement de la fillette, fait le rapprochement avec l'accident du lundi. Il appelle la police de Marseille et raconte les faits cités plus hauts. Le commissaire Alessandra, prenant l'information au sérieux, alerte la gendarmerie de Gréasque. A deux heures cinq, les gendarmes commencent une opération de ratissage dans la zone décrite par M. Aubert. A trois heures un quart, le propriétaire du coupé Peugeot 304 est identifié. Il s'agit de Christian Ranucci, représentant de commerce, demeurant à Nice. Cinq minutes plus tard, un indice est découvert dans la galerie où s'était embourbé le coupé Peugeot. Les gendarmes découvrent un pull-over rouge. A trois heures trente cinq, un message radio est envoyé à Nice, enjoignant les services de police de procéder à l'audition de Christian Ranucci dans le cadre de l'enquête. A trois heures quarante, le pull-over rouge est donné à flairer à un chien. A trois heures quarante cinq, un gendarme découvre un corps dissimulé dans un buisson près de la route. Il s'agit du corps de Marie-Dolorès Rambla. A quatre heures trente, les policiers sonnent chez Madame Mathon, la mère de Christian Ranucci. Christian Ranucci est arrêté et placé en garde à vue. Il est soupçonné du meurtre de Marie-Dolorès Rambla. La petite fille a été poignardée à de multiples reprises mais n'a pas subi de violences sexuelles. Ranucci reconnaît avoir eu un accident de la circulation, mais nie farouchement toute implication dans l'enlèvement et le crime. Il déclare s'être arrêté environ un kilomètre après son accident pour réparer une roue qui frottait contre la carrosserie. Une fois sa réparation effectuée, il s'est retrouvé embourbé et a demandé à des personnes proches de l'aider à sortir.
Voilà les faits qui se sont passés sur le territoire de Belcodène et aux alentours le 3 juin 1974, ou, tout au moins, tels qu'ils ont été rapportés par la presse.
Le procès de Christian Ranucci débute le 9 mars 1976. Après délibération, les jurés et la cour répondirent par l'affirmative à la question de la culpabilité et rejetèrent les circonstances atténuantes. Ranucci était condamné à mort. La défense annonça immédiatement qu'elle allait se pourvoir en cassation. Mais une nouvelle fois, leurs espérances furent anéanties lorsque le 17 juin 1976 la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé contre l'arrêt de condamnation.
Le président Giscard d'Estaing ayant décidé, pour des motifs variés mais manifestement avant tout politiques, de ne pas lui accorder la grâce, Christian Ranucci fut guillotiné le 28 juillet 1976 à 4h13 du matin à la prison des Baumettes à Marseille. Il lance à l'adresse de ses avocats en guise de dernière volonté : " Réhabilitez-moi ".

En 1978, au même carrefour de la Pomme, le même accident se reproduit, mais volontaire cette fois. C'est pour le tournage du film de Michel Drach : " Le Pull-over rouge ".


Note :

Il n'est pas dans mon intention de prendre parti dans la polémique "coupable ou innocent ?". Pour plus d'infos sur cette affaire et ses dessous :
Voir :
Le site de l'Assotiation Ranucci.
Le dossier Ranucci.

Lire :
Le roman de Gille Perault : "Le Pull-over rouge" et le film de Michel Drach portant le même titre.



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